Aujourd’hui on ne peut plus parler de muscles toniques et de muscles phasiques, cette classification est devenue obsolète, tous les muscles ayant des unités motrices des deux types. Selon la fonction qu’ils doivent exercer ils auront un plus grand nombre d’unité motrices phasiques ou toniques. Chaque unité motrice est composée d’un neurone et d’un certain nombre de fibres qu’il innerve. Toutes les fibres musculaires d’une même unité motrice sont du même type.
Sur la base d’études scientifiques, une classification beaucoup plus logique nous est proposée (1), qui permet de diviser les muscles en :
Stabilisateurs locaux qui ont une fonction totalement stabilisatrice. Ils sont profonds, mono-articulaires, avec une amplitude de mouvement minimale, souvent insérés sur la capsule articulaire, contrôlant la translation. Ils sont responsables du recrutement anticipé et sont indépendants de la direction du mouvement. Les multifides profond (MF), le transverse de l’abdomen (TrA), le plancher pelvien, le diaphragme et le psoas appartiennent à ce groupe en ce qui concerne la colonne lombaire. Ils sont responsables de la stabilité intervertébrale mais aussi de celle de la masse viscérale abdominale (MVA), qui est composée à 80% d’eau (2).
Stabilisateurs globaux dont les fibres sont presque toujours diagonales avec des insertions très larges pour contrôler la rotation et le retour excentrique.
Mobilisateurs globaux qui sont polyarticulaires, avec un bras de levier très long pour pouvoir générer plus de force. Ils s’insèrent généralement par un long tendon et ne deviennent stabilisateurs que lorsqu’ils sont soumis à des charges importantes.
En 1967, Bernstein et Belenkii ont publié des recherches sur les « ajustements posturaux anticipés » (APAs) pour la première fois. Malheureusement, à cette époque, le rideau de fer empêchait toute communication entre les chercheurs et leurs travaux n’ont atteint l’Europe qu’en 1990.
Aujourd’hui, cependant, il semble clair que pour effectuer un mouvement, nous ayons besoin d’activations anticipées et d’ajustements posturaux en continus.
L’activité cérébrale commence jusqu’à 900 millisecondes avant le début du mouvement, suivie des ajustements synergiques anticipés (ASA) à environ 600 millisecondes, des ajustements posturaux précoces (EPA) à 400-500 ms et des ajustements posturaux anticipés (APA) à environ 90-150 ms (5). Pensez que la décision consciente du mouvement se produit seulement 300 ms plus tôt.
Il en ressort que notre cerveau travaille par anticipation, de manière prédictive, selon un modèle qui peut être défini comme bayésien selon un processus « top-dawn ».
Il est évident que notre système nerveux central doit continuellement moduler toutes les informations sensorielles qui lui parviennent de l’extérieur, surtout lorsque la base de la réalisation du mouvement devient instable.
Une fois installé, ce mécanisme préconscient ouvre la voie à la capacité motrice, aux nouveaux apprentissages et optimise les temps de latence exécutifs.
Dans le cas du tronc, le rôle des APAs est de stabiliser le bassin et la colonne vertébrale avant le début du mouvement lui-même. Si un facteur externe ou interne perturbe ce mécanisme et que le temps de latence anticipateur est retardé, il y a un risque de déstabilisation d’une articulation vertébrale avec une possible perte de mobilité. S’il y a une restriction articulaire, j’aurai une compensation quelque part. Tant que la compensation est bien contrôlée sur le plan musculaire, il n’y a pas de dysfonctionnement ni de symptômes. Toutefois, si la compensation est trop importante ou si elle est répétée trop souvent, des microtraumatismes peuvent survenir et entraîner des symptômes.
Les altérations des composantes de la force des muscles agissant autour d’un segment peuvent créer un déplacement anormal de la trajectoire du centre instantané de rotation, entraînant des microtraumatismes.
Nous devrons donc éliminer les restrictions et travailler à la récupération de l’activation anticipative correcte, en rétablissant le schéma moteur physiologique perdu.
Bibliographie
- BERGMARK, A. (1989). Stability of the lumbar spine. A study in mechanical engineering. Acta Orthopaedica Scandinavica. Supplementum, 230, 1-54.
- CHOLEWICKI J, JULURU K, McGILL SM. Intra-abdominal pressure mechanism for stabilizing the lumbar spine. J Biomech. 1999 Jan;32(1):13-7
- BERNSTEIN, N.A. (1967). The co-ordination and regulation of movements. Oxford: Pergamon Press.
- BELENK’II e all. (1967). Elements of control of voluntary movement, Biofizika: 135-41
- BOUISSET, S. and ZATTARA, M. (1987). Biomechanical study of the programming of anticipatory postural adjustments associated with voluntary movement. Journal of Biomechanics, 20(8), 735-742.